Léopoldine HH

Ce fut d’abord en 2014 un premier EP au titre en forme d’invitation : Le Mini Cédé de Léopoldine. Trois titres furieusement barrés mais si sacrément habités qu’il était impossible de croire à un simple acte de folie one shot, à un bateau ivre jeté en pleine mare d’une chanson française alors bien trop sage. À l’époque, à propos de Léopoldine HH, certains évoquaient une consanguinité Brigitte Fontaine et Catherine Ringer…

Sauf que, sauf que… Les concerts exubérants vus ensuite, les vidéos et les spectacles de la demoiselle, voilà qui ouvrait une autre perspective, un horizon assez inédit dans le maniement des mots français et de leurs représentations scéniques. Au lieu d’entendre Ringer et Fontaine, il fallait plutôt penser Godard et Debord. Car Léopoldine HH, avec son premier album Blumen Im Topf (2016), se réappropriait l’objet livre. De ce dernier, elle en extirpait des passages, des correspondances secrètes ô combien personnelles, puisant chez des auteurs tels que Gwenaëlle Aubry ou Olivier Cadiot une façon de dire et chanter l’intimité de son âme, mais avec cette protection littéraire lui permettant de s’y lover jusqu’à faire mine de ne pas trop en révéler sur elle-même – de la même façon que Godard s’accapare des bouts de Dostoïevski ou Mallarmé pour construire ses films, et finalement les faire siens.

Premier paradoxe Léopoldine HH : Blumen Im Topf se construisait autour de nombreux écrivains, mais sa texture sonore cherchait une cohérence entre ces différentes ombres tutélaires. Si Léopoldine HH et ses délicieux-facétieux acolytes (car Léopoldine HH est accompagnée de Michel Gilet et Charly Charly, et ils détiennent une importance aussi bien musicale que psychologique dans les compositions) s’amusaient à jongler entre valse, chansons ou pop, un lien secret unissait cette inclinaison à vouloir tout dire, tout jouer, ici et maintenant. Une proposition franche et sans concession. Blumen semblait vouloir concentrer toutes les passions orchestrales du groupe. Une ligne en creux autorisait pourtant l’album à détenir sa propre vérité, une globalité aussi ébouriffante que parfaitement limpide.

Autre paradoxe Léopoldine HH : ce nouveau disque, Là, Lumière Particulière, fonctionne en sens inverse du précédent. Cette fois-ci, un seul auteur permet à Léopoldine de chanter des textes comme si elle s’allumait, se révélait lumineuse encore plus à travers les mots d’un autre : le dramaturge, comédien, metteur en scène Gildas Milin. Trois extraits de son œuvre se trouvaient déjà dans Blumen Im Topf, mais, pour Là, Lumière Particulière, l’osmose atteint un point culminant puisque c’est Gildas Milin qui proposa à Léopoldine de fouiller dans toute la matière musicale et textuelle de son œuvre. C’est cette invitation qui est à l’origine de ce deuxième album. Qui devient alors une nécessité, un élan ample et plein, essentiel et lumineux.

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